dimanche 14 mai 2017

Travailler la relation homme-cheval, communiquer

I communiquer

Qu'est-ce que la communication

La communication est un échange d'informations. Elle nécessite un émetteur : celui qui transmet le message, et un ou plusieurs récepteurs : celui ou ceux qui reçoivent le message.

Elle peut être consciente ou inconsciente, volontaire ou non. Par exemple, si je baille, je transmets que je suis fatiguée : c'est conscient : je sais que je baille, mais c'est involontaire (je ne peux pas m'en empêcher). Si je fronce les sourcils : je peux le faire volontairement et consciemment : je veux clairement faire comprendre que je ne suis pas contente, mais je peux tout aussi bien le faire de manière involontaire et même inconsciente : je ne me rend pas compte que mes sourcils sont froncés. Pourtant, mon interlocuteur le perçoit, et va éventuellement réagir en fonction.
Le récepteur, de manière consciente ou inconsciente, lui aussi, va percevoir le message. Cette perception va dépendre de ses sens, en premier lieu. Ensuite, le message perçu va être interprété. Cette interprétation va dépendre de nombreux éléments : de la nature du récepteur (animal ou humain ?), du contexte (si je parle de "table" en cours de math, il s'agit d'une table de multiplication probablement, alors qu'à l'heure du repas, il y a plus de chances qu'il s'agisse de la table pour manger), de l'état d'esprit du récepteur (apeuré, de mauvaise humeur, calme ... ?)

"Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre."  B. WERBER


Communiquer avec le cheval

La communication avec un cheval se fait à deux niveaux : il est capable de comprendre et d’apprendre la signification des messages que nous lui envoyons volontairement, comme des ordres vocaux mais, il sait, aussi, décrypter notre langage corporel, que ce soit parce qu'il est comparable sur certains points à celui d'un congénère ou parce qu'il en a appris la signification. Certains pensent aussi qu'il peut réagir à notre odeur, en particulier aux phéromones que l'on dégagerait... (rien n'est prouvé à ce propos, pas même que nous dégageons des phéromones). L'acuité visuelle du cheval est inférieure à la notre, c'est à dire que pour voir les mêmes détails que nous, il doit être deux fois plus près. En outre, il ne disposerait que d'une mince bande panoramique où son acuité serait bonne
(Harman), la vision périphérique étant brumeuse mais avec une excellente perception des mouvements (Ehrenhofer). Même si le cheval est (d'après Stone) capable de reconnaître des visages humain, il est très probable que le cheval soit plus attentif, voire ne perçoive essentiellement que la forme globale de notre corps. Par exemple, si nous écartons les bras, nous lui paraissons beaucoup plus imposant que si nous avons les bras le long du corps (Cela fait référence à la notion de bulle). Il perçoit aussi la fluidité de nos mouvements : des gestes amples et souples sont signes de tranquillité et de calme par opposition aux mouvements saccadés preuve de tension. 
Les premières communication entre un cheval et un homme se font sur le plan postural : le cheval perçoit le comportement de l’homme et réagit en fonction 
J-C Barrey dit que le cheval peut nous percevoir comme un danger, un élément neutre ou comme un équivalent congénère (attention, il "sait" que nous ne sommes pas un cheval !). 

L'élément neutre
 Le cheval peut se permettre d’ignorer un élément neutre : il ne mérite ni respect ni méfiance. On peut le bousculer, il n’est pas vraiment là. 

Le prédateur 
L'individu dangereux est à fuir. Il pourra être jugé comme tel s’il est bruyant, a des gestes brusques ou au contraire se tapit en fixant son objectif, avance en ligne droite. Le prédateur a le regard perçant et direct, capable de se fixer sur un point précis, contrairement au cheval qui a un regard englobant un l’ensemble de l’environnement. Un personnage dangereux mettra de la pression sur le cheval : il continuera à bouger, à le suivre, à exiger, tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut. On n’évitera donc de mettre une telle pression dans notre relation avec les chevaux.

L'équivalent cheval
Suivant le point de vue de Barrey, nous voudrions être perçu comme un "équivalent cheval". Un des moyens serait alors, comme je l'ai mentionné plus haut, de reprendre à notre compte des postures globales imitant celles des chevaux (autant que possible : tenter de prendre des postures de 4-pattes avec seulement deux n'est pas simple ! :-p ). Si nous voulons passer pour un "équivalent cheval" il convient alors que nous ayons à la fois un statut de dominant, histoire de ne pas se faire bousculer, et un statut de leader, afin que le cheval aie envie de nous suivre. Pour le premier point, il s'agit d'apprendre au cheval qu'il doit nous céder le passage en cas de besoin (donc demander au cheval de se pousser plutôt que de le contourner, en fonction toutes fois du cheval lui-même et des circonstances) lui apprendre qu'il doit s'écarter à la demande (des exercices existent) et à ne pas nous envahir. En ce qui concerne le deuxième point, une relation de confiance s'impose et en partie prendre garde à ne pas systématiquement l'emmener dans des endroits peu voir pas intéressant (la carrière, l'extérieur loin des copains, un pré tout sec ...) mais aussi dans des endroits équinnement valable (là où il y a à manger en général ). Un rapport humain-cheval, qui est rarement mentionné, est aussi celui de l'amitié

Le symbiote
Heini Heidiger propose que les animaux puissent nous percevoir comme un symbiote. Les symbiotes sont des animaux d'espèces différentes vivant ensemble afin d'en tirer un bénéfice mutuel. Le cheval obtient une relative sécurité, de l'alimentation etc. tandis que l'homme profite de la force du cheval. D'une manière plus profonde, cela signifie que les deux individus coopèrent. Si cela n'a pas précisément été étudié en ce qui concerne les chevaux, l'idée me semble particulièrement intéressante et juste. 

Trajectoires, postures, gestuelles. 
Pour entrer réellement en contact avec un cheval et donc communiquer avec lui, il est profitable d'utiliser des fonctionnement s'inspirant de ceux des chevaux : notre trajectoire d'approche (plus ou moins directe), le contact mano-nasal (qui remplace le contact naso-nasal)... Bien sûr nous n’en somme pas et il est vain de croire que le cheval puisse nous prendre pour un véritable congénère, mais certaines choses peuvent se passer plus simplement quand nous essayons d’imiter ses attitudes. En revanche, le cheval habitué à l'homme ne se formalise que rarement qu'on s'adresse à lui de manière moins protocolaire.

En premier lieu, et quoi que l’on veuille faire avec un cheval, il convient de rester calme, patient et tolérant. Chaque communication est un dialogue : il faut interpréter les réactions du cheval afin d’adapter nos demandes ainsi que notre attitude. Il ne faut pas oublier que si nous apprenons à communiquer avec le cheval, le cheval apprend à communiquer avec nous et il ressent et interprète tout. C’est ainsi que nous lui transmettons des choses que l’on aimerais parfois garder pour nous (peur, nervosité…). On envoie au cheval des informations parasites.
Nos gestes doivent être dépourvu d’agressivité (à part dans le cas extrême où nous devons écarter un cheval qui nous néglige de manière dangereuse ou nous agresse). La voix doit être calme et posée. La gestuelle doit être habilement associée à la voix afin d’assurer la clarté du message. La communication par contact est aussi très importante, elle rassure le cheval, le guide dans certains déplacements (quand nous lui demandons de tourner ou pour descendre d’un van) et surtout nous permet de lui communiquer notre affection.

Dès le moment d'approcher un cheval, nous sommes déjà dans une situation de communication. Le message que nous devons lui faire parvenir est « je suis amical(e), puis-je approcher s’il te plait ! » (La réponse devant bien sûr être oui ! Un travail particulier pouvant être nécessaire pour cela.)
Il faut prendre cela comme un dialogue et donc observer les signaux qu’il nous envoie, au fur et à mesure que nous avançons, afin de modifier, d'adapter notre attitude.
Tant que le cheval nous ignore ou reste serein, nous pouvons continuer notre approche.
Si le cheval manifeste de la crainte, nous devons diminuer la pression, c'est-à-dire ralentir, s’arrêter, éventuellement reculer (attention le reculer permet de réduire la pression et éventuellement d'aspirer le cheval. Néanmoins, il peut aussi laisser croire au cheval qu'il fait bouger l'homme et peut le conduire à manifester un comportement de menace, voire d'agressivité.) ;
Si le cheval menace, il convient de la chasser (taper du pieds, jeter les bras en avant, avancer volontairement...). Attention, ce genre de chevaux ne doit être approchés que par ceux qui les connaissent bien. En premier lieu, un tel cheval peut être dangereux, et des accidents, même mortels peuvent survenir ! Parfois, il peuvent réagir à notre volonté de les chasser par une attaque réelle. En second lieu, ces chevaux sont parfois des chevaux qui ont peur de l'homme et si il faut leur imposer des limites, il faut aussi les rassurer. Il n'est pas dans les cordes de tout un chacun de parvenir à cela.
Le cheval peut aussi, tout simplement ne pas avoir envie de la compagnie de l'homme. C'est en général le cas d'un cheval dont on aurait abusé et qui, s'il ne craint pas l'homme, ne lui fait pas vraiment confiance (par exemple certains chevaux de club). Ces chevaux demandent une approche subtile qui peut nécessiter l'expérience d'une personne avertie, et une rééducation.

Nous devons nous rapprocher calmement, mais franchement, une hésitation fera croire au cheval qu’il se passe quelque chose d’inquiétant.
Dans l'idée que nous souhaitons que le cheval nous perçoive comme "valant un congénère," il peut être intéressant d’emprunter les chemins tracés, de toutes façons, il est habituellement plus facile d'y marcher.

A partir de 10 à 5 mètres, si le cheval semble continuer de nous ignorer, il vaut mieux l'appeler pour l'avertir de notre présence. En toute logique, le cheval nous à déjà perçut depuis un bon moment, mais il est préférable de ne pas risquer de le surprendre.
A l’abord du cheval (entre 5 et 1,5m environ) il est important de contourner la bulle du cheval en se positionnant parallèlement à lui afin de l’aborder par l’avant et le côté, plus ou moins au niveau de l'épaule. Selon le cheval, on pourra établir le contact mano-nasal. Il est important d’avoir des gestes calmes, mais sûr. Toute notre attitude doit prouver au cheval que nous savons ce que nous faisons, que nous sommes inoffensifs pourvu qu’il ne manifeste aucune agressivité. Nous devons donc être relâchés physiquement, les épaules basses. Nos mouvements doivent être calmes, précis et arrondis, jamais directs, sans quoi ils seraient menaçants. Caresser un cheval est une manière de lui communiquer l’amitié que nous lui portons, de le convaincre que notre présence lui apporte du confort.
Précisons : caresser un cheval ne signifie pas de lui mettre des grandes claques sur l'encolure ! Il est faux de croire que les chevaux apprécient cela ! Les caresses doivent se faire, selon la sensibilité du cheval, doucement, comme pour caresser un chat, sous forme de massages, ou de gratouilles. Si l'on doit mettre un licol au cheval, on évitera de lui coincer les naseaux ou les oreilles, de faire claquer la têtière sur l'encolure ou toute autre chose désagréable !

 

La voix.
Les chevaux communiquent assez peu vocalement, mais comme c’est le premier moyen humain, nous en usons habilement. Avant de comprendre les mots, le cheval comprend les intonations.
Parler ou chantonner d’une voix grave et basse calme le cheval et peut inciter certains timides à approcher. Au contraire, un cri aigu peut aider à repousser un cheval dont la conduite est inconvenante. Cela est très efficace avec les poulains mordilleurs : ils s’écartent sans être vraiment effrayés. En fait ces tonalités reprennent les vocalisations naturelles des chevaux.
Un bonjour gai, en arrivant au pré ou aux écuries, est souvent parfaitement compris des chevaux qui parfois y répondent.
Quand le cheval est éduqué, il peut reconnaître des mots que nous utilisons fréquemment. Il s’aide de notre intonation et de notre posture pour comprendre ce que nous voulons et apprend ainsi le « sens » du mot, c'est-à-dire le comportement qu'il doit adopter en réponse.

 

Demander au cheval. 
Dans notre relation au cheval, nous sommes souvent amener à l’inciter à faire quelque chose. Nous lui demandons de se pousser, de ne pas bouger, de nous suivre… Nous avons plusieurs outils à notre disposition : l’attitude (gestes et posture), la voix, et le toucher.
L’homme de cheval doit apprendre les gestes auxquels le cheval réagit, les moduler et les contrôler. Les messages que nous lui envoyons doivent être clairs : nous devons être précis, cohérents et rigoureux, chaque demande devrait aboutir au même résultat. Par exemple si nous utilisons « oh » pour arrêter le cheval, nous ne devons pas l’utiliser aussi pour ralentir, et ne récompenser que lors de son obtention, sinon cela entraînerait la confusion et ce que beaucoup prendraient pour de la désobéissance. De même, nous éviterons les ordres contradictoires, comme dans le cas classique du cavalier débutant tambourinant des jambes en tirant sur les rênes. Néanmoins, un cheval dressé, très coopératif parvient bien souvent à comprendre le deux-pattes malgré ses incohérences.

La posture peut nous aider à nous faire comprendre : le cheval agit beaucoup par imitation, si en même temps que nous demandons le galop, notre corps prend l’attitude du mouvement, à pied ou à cheval, le cheval comprend mieux notre demande.  On peut parler ici "d'homéostasie" qui est une sorte de transmission du mouvement et de l'intention de mouvement. Cela demande le plus souvent
une connexion très  forte entre l'homme et le cheval et est généralement plus efficace à cheval que à terre : parfois, il suffit de penser que l'on va tourner à gauche, pour que déjà, le cheval commence à le faire.

On ne demandera à un cheval que ce qu’il est en mesure de faire.

Quelques mots sur l'obéissance

Le cheval est un animal de groupe, il suit le troupeau, s'écarte, voire se sauve devant un dominant, mais il n'obéit pas : à part "dégage !" on ne donne pas d'ordre chez les chevaux. Tout au plus, lors du guidage par l'arrière de l'étalon, ce dernier incite la jument à prendre telle ou telle direction et celle ci obtempère, ou pas, selon son bon désir. 
L'homme pense souvent que pour que son cheval lui obéisse, il faut qu'il lui soit soumis, que l'homme doit être dominant. C'est faux ! devenir un équivalent-dominant du cheval, permet de se garder en sécurité d'une part, et d'autre part peut permettre de lui inspirer confiance si cette pseudo-dominance n'est pas acquise dans la brutalité. On note que cette confiance est néanmoins un premier vers l'obéissance.
L'homme pense aussi qu'il doit être le leader du cheval pour que celui-ci fasse ses quatre volontés. C'est mignon, mais assez souvent le leader, celui qui a les bonnes idées, se fait piquer sa touffe d'herbe, autrement dit, il se fait virer, ce qui n'est pas ce que l'on souhaite !
Alors on va dire qu'il faut être un composé des deux : un dominant-leader. Ce n'est pas faux, mais ce n'est pas tout à fait complet pour la simple et bonne raison que l'homme n'étant pas un cheval, il ne peut être que quelque chose qui ne s'approche que très vaguement d'un leader ou d'un dominant et, encore une fois, que de toutes façons il n'y a pas de donneurs d'ordre chez les chevaux. Néanmoins, cela est un bon début.
Dans la nature du cheval, il y a aussi un instinct de coopération et une volonté de confort. C'est son instinct de coopération qui permet sa recherche des comportements satisfaisants nos demandes, ainsi qu'une recherche d'un certain confort (compagnie, cession des aides et donc de la tension, friandise ...). Ainsi, la désobéissance n'est le plus souvent qu'un manque de compréhension, la connaissance du fait que la récompense, c'est-à-dire le confort ne viendra pas (pas de cession des aides par exemple, demande trop prolongée...) ou la connaissance que l'effort demandé lui est désagréable voire impossible ... L'obéissance est donc aussi une affaire d'apprentissage.

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